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samedi 24 novembre 2018

Paysan résistant!


Paysan résistant !

de

Benoît Biteau
Chez Fayard

En général je cherche une accroche pour parler d’un livre coup de cœur, mais ici le titre suffit amplement. Commandé l’an dernier auprès de l’auteur lui-même, je l’ai reçu de ses mains le jour de sa transhumance éco-solidaire en mai dernier, ouvrage donc dédicacé par lui ainsi que sa compagne entièrement impliquée dans la vie et gestion de la ferme.

Paysan résistant ! se place juste après Du courage ! d’Isabelle Saporta. Hasard ? Coïncidence ? Non, car je n’y crois pas. Je crois aux synchronicités de l’univers qui donnent justement du sens à nos vies.
Vite, j’ai lu le livre car je voulais comprendre, savoir. Mais savoir quoi exactement ? Campagnarde dans l’âme, j’ai été initiée dès ma tendre enfance à la cueillette des champignons, j’accompagnais mes grands parents dans leurs champs, potagers. J’ai connu les vendanges à la main jusqu’à l’âge de six ans avant que des monstres mécanisés viennent gâcher ces moments partagés en famille, entre voisins. Ainsi les repas de vendanges ont disparu pour laisser place à la banalité du quotidien régit par qui, par quoi au fait ? Petite, j’aimais m’élancer depuis le potager de mon père pour me jeter sur le dos dans un fossé fleuri et admirer une multitude de papillons et insectes multicolores prendre leur envol au-dessus de moi. Puis soudainement, plus rien. En même temps (ah ce « en même temps » …) les haies de mûres qui encerclaient les prés des vaches le long de la rivière avaient disparu. Les vaches aussi d’ailleurs. Les sorbets de mûres, introuvables dans le congélateur. La sorbetière avait dû commencer à rouiller. Le lait que je buvais le matin n’avait plus le même goût. Normal, on ne me demandait plus de déposer le pot au lait chez les fermiers du village à côté.
Les années ont passé. Les champs de maïs ont envahi des espaces verts qui me permettaient l’accès à un lieu sacré : les berges du cours d’eau de mon enfance. Les questions ont commencé à surgir en lisant certains auteurs, en allant vivre dans d’autres contrées rurales : Angleterre, Pays de Galles, Nièvre. Puis de retour dans ma région, en retrouvant les odeurs de mon terroir, les bois que j’affectionne, en me passionnant subitement pour les orchidées sauvages et en recherchant des stations et en surveillant leur évolution ont renforcé mes convictions. Mon regard s’est aiguisé, mes habitudes de consommation pour la nourriture aussi ainsi que les liens entre les maladies et leurs réelles origines m’ont aussi interrogé.
Ainsi la rencontre de Benoît et son combat pour l’environnement, l’agriculture biologique n’ont pu me laisser indifférente et m’ont surtout rassuré sur le fait que des hommes et des femmes s’engagent pour promouvoir non pas un modèle possible, mais la solution évidente, logique pour le bien commun de tous. Ce livre est à la portée de tous pour comprendre les enjeux d'aujourd’hui et surtout pour quelles raisons et quels sont les mécanismes, les rouages qui nous ont emmenés là où nous en sommes. L’auteur vous explique par exemple quel type de semences utilisées, l’importance de la présence des arbres sur les parcelles, les associations de cultures, ce que peuvent apporter les plantes les unes aux autres, l’élevage des races locales ainsi que les fonctions vitales d’un écosystème riche tant dans ses qualités minérales qu’organiques. Il expose aussi la manière dont sa ferme fonctionne, son histoire, son parcours d’homme, de combattant et résistant entraînant avec lui sa famille qui l’aide et le soutien.
Les agriculteurs ou plutôt paysans qui défendent une agriculture biologique respectueuse de l’environnement et des consommateurs doivent être défendus et aidés. Ce sont eux qui garantissent la santé d’une terre saine et nourricière et ainsi préservent la nôtre. Les enjeux des cours d’eau sont également abordés, un sujet jamais évoqué dans les médias et pourtant crucial pour notre avenir.
Beaucoup d’autres thèmes sont abordés de manière simple, c’est-à-dire qu’il n’est nul besoin d’être expert en agriculture productiviste, agrochimie, économie ou sur la PAC pour comprendre les dysfonctionnements expliqués par l’auteur du livre.
J’aimerais citer quelques phrases de l’ouvrage, mais chaque page révèle une vérité tellement criante sur notre réalité et devenir, que je n’ai pas trouvé. Je cite donc quelques noms de chapitres pour vous donner envie de le lire :

Chapitre 1 : Un combat pour nous tous, paysans et citoyens
Chapitre 5 : Mon parcours initiatique… et atypique…
Chapitre 9 : Ma ferme : une expérimentation à ciel ouvert
Chapitre 19 : En finir avec le désert des partages
Chapitre 23 : Cultivons avec la nature, pas contre elle !

Pour finir, je remercie l’auteur pour ce travail de qualité qui s’est ajouté à son labeur quotidien ainsi qu’à ses responsabilités d’élu. Nous avons besoin de personnes comme lui pour avancer comprendre, nous donner les clefs pour que de nouvelles portes s’ouvrent sur un monde plus juste et plus sain.
Enfin je cultive le doux espoir qu’un jour peut-être, les pieds dans l’eau, je rassemblerai mes deux mains en carreaux pour qu’ils piquent de l’eau pour me désaltérer sans crainte dans la rivière poissonneuse de mon cœur, le Trèfle.

Voici une vidéo de Brut sur laquelle il s'exprime:



C . Bertin

vendredi 30 juin 2017

Du bio aux pesticides: comment ça marche?

Du courage


d’Isabelle Saporta


Journaliste d’investigation, documentariste et chroniqueuse, Isabelle Saporta s’attaque aux sujets des plus épineux que nous retrouvons dans nos assiettes : pesticides, OGM et toute la pollution qui nous arrose quotidiennement.

Dans cet ouvrage, elle détricote les lobbys liés à l’agroalimentaire et tout le système politique qui en découle. Nous y découvrons l’inertie, le manque de « courage » de certains, le manque de moyens aussi. Mais surtout Isabelle Saporta met en lumière toutes les aberrations de ce système qui ne fait que détruire notre biodiversité, notre santé et par extension notre culture et patrimoine.

Ainsi dans cet essai elle aborde le combat contre les lobbys, l’alimentation bio et toutes les mécaniques absurdes qui font obstacles. Par exemple les perturbateurs endocriniens qui abreuvent dans les assiettes des consommateurs et la politique qui se cache derrière : « La commission , qui, manifestement, n’a pas peur du ridicule, a trouvé le moyen d’établir une réglementation censée interdire les perturbateurs endocriniens, mais qui permet en fait d’éviter à ces substances d’être interdites ! A quel motif ? Ces produits ont été créés pour être des perturbateurs endocriniens qui ont des effets sur la faune, non ? Donc on ne va pas les interdire parce qu’ils auraient des effets sur la faune et sur nous, non ? Voyez comme les choses sont simples quand on parle couramment le langage des lobbyistes ! »

Isabelle Saporta ne fait pas que s’appuyer sur les actions des lobbys, les décisions institutionnelles, elle cite des faits très concrets de paysans victimes de ce système absurde. Mais ces paysans avec l’épée de Damoclès au-dessus de leur tête ne sont que les victimes à très court terme, les consommateurs et les générations futures vont en pâtir lourdement, salement. L’obligation d’abandonner les races rustiques au détriment de races fragiles mais productives, l’abandon forcé d’espace naturels (prairies...) qui n’ont que pour but de nourrir une biodiversité et donc de nous nourrir sainement pour les transformer en champs céréaliers gourmands en pesticides, sont que de maigres exemples de cette destruction massive de nos terres paysannes au profit d’une agriculture intensive ou d’élevage productiviste.
Tout y passe, les abeilles, les abattoirs, les pesticides, le CETA, TAFTA, la pêche, le bitume (et oui une belle usine de bitume au sein du vignoble du Chablis) et la dilapidation des petites exploitations au profit des grosses firmes en particulier celles provenant de l’Empire du Milieu !

Très bon ouvrage, accessible, instructif qui offre de très bonnes clés pour comprendre ce qu’on veut
nous faire manger, boire et respirer !

C. Bertin

lundi 1 août 2016

Dialogues à bout de souffle

SUR LA TRACE DE NIVES




ERRI DE LUCA
Récit à deux voix, celle d'Erri de Luca et celle de Nives Meroi, tous les deux alpinistes, ils nous livrent leurs impressions intimes sur l'alpinisme, leurs ascensions épiques ainsi que leur réflexion sur
notre société. Un homme, une femme, l'un écrivain et l'autre himalayiste, mais tous les deux alpinistes. Ainsi à travers ses conversations échangées sous une tente en pleine expédition, nous découvrons à bout de souffle, leurs anecdotes, leur univers, leur manière d'écrire leur histoire en se frayant une voie sur une pente raide afin d'atteindre la cime.

Sous la plume d'Erri de Luca, son engagement politique, sa vie de poète écrivain et ses ascensions se succèdent au gré de mots clés tel des broches ou pitons qui ponctuent la voie à suivre, le destin. Un piolet, une plume, un marteau, un sentier, une amorce syntaxique, des briques, une neige fraîche, une page blanche, un mur tout se mêle pour construire, raconter une histoire, accomplir un exploit qu'il est difficile souvent de partager.

Raconter ces exploits, ces ascensions difficiles, c'est aussi pour Erri de Luca faire un parallèle avec notre civilisation, notre société, notre système économique et politique. Ces deux univers ne sont pas symétriques car leurs codes diffèrent : 
p136 « En bas dans les villes, les mots sont de l'air vicié, ils sortent de la bouche à tord ou à travers, ils ne portent pas à conséquence. En bas ils sont gaspillés dans le brouhaha de la politique, de la publicité, de l'économie qui disent des mots sans devoir les faire, sans poids. Ici en haut nous les gardons dans la bouche, ils coûtent énergie et chaleur, nous utilisons les mots nécessaires, et ce que nous disons, nous les faisons ensuite. Ici, les mots vont de pair avec les faits, ils font couple. »

Très beau récit empli de poésie, d'images, de métaphores à bout de souffle, un souffle dit-il qui nous appartient pas car il faudra le rendre.

C.Bertin